OTARY dans les starting-blocks pour la future Zone Princesse Elisabeth
En 2022, la Belgique était dans le trio de tête mondial en termes de capacité éolienne offshore par habitant ! C’est en partie grâce à OTARY, qui gère les parcs RENTEL et SEAMADE, et dont SOCOFE est un partenaire de la première heure. Dans une interview qu’il nous a accordée à l’occasion de notre rapport annuel 2022, Mathias Verkest, CEO d’OTARY, lance un message clair : la Wallonie a de beaux atouts pour accrocher son wagon au train de l’éolien offshore !
Quel bilan tirez-vous des 11 ans d’existence d’OTARY ?
Mathias Verkest : Les Belges ont été des pionniers dans l’offshore avec le premier parc C-POWER. Cette industrie s’est alors fortement développée, notamment grâce à OTARY qui a été fondée à l’initiative de huit actionnaires visionnaires belges. Nous avons démontré que l’éolien offshore est une technologie à la fois techniquement et économiquement viable, mais aussi que cette énergie est indispensable pour le futur. Aujourd’hui, avec les capacités déjà installées, la seule Zone 1 couvre 50% de la consommation électrique des ménages belges, soit 10% de la consommation totale belge en électricité.
Sur le plan économique, l’éolien offshore a visiblement un impact favorable sur le marché…
En effet ! Comme en Belgique nous avons une capacité éolienne offshore très élevée par habitant, une grande partie de la demande en électricité est satisfaite uniquement grâce aux énergies renouvelables. Et on a pu observer que les jours où le vent souffle fort, les prix du marché sont très bas puisqu’il y a un excédent d’électricité produite. A certains moments, on a même des prix négatifs sur le marché !
Quel sera le défi dans le cadre de la transition énergétique ?
Ce sera de maîtriser la variabilité de la production renouvelable au travers de l’investissement dans/l’interconnexion avec des sources de production négativement corrélées, une gestion dynamique de la demande, et enfin le stockage. Celui-ci permet de capter l’énergie excédentaire résiduelle lors des pics de production et de la restituer à d’autres moments. Mais au-delà de cet effet sur le marché à court terme, causé principalement par une inadéquation temporaire entre l’offre et la demande, l’éolien offshore est la technologie qui présente actuellement non seulement le coût de production le plus bas, mais aussi le plus stable, et ce malgré des coûts d’investissement très importants.
Quels sont les atouts d’OTARY ?
Nous sommes devenus un acteur qui compte ! Nous avons développé une très grande expertise non seulement dans le développement des parcs éoliens offshore, mais aussi dans leur exploitation et leur maintenance. Et nous connaissons très bien le marché belge et les conditions en mer. Nous avons clairement une longueur d’avance dans le secteur, tout en restant une petite structure, agile et très efficace. Autour de nous, on observe tout un écosystème avec des acteurs belges devenus des leaders mondiaux, une sorte d’Offshore Valley. Enfin, j’ajouterais que le fait d’avoir un actionnariat privé/public, flamand/wallon, est aussi un atout indéniable pour mener des projets en mer du Nord qui, je le rappelle, est fédérale.
Que représente la Zone Princesse Elisabeth pour OTARY et ses actionnaires ?
Des opportunités, évidemment ! Nous avons clairement l’ambition d’être au rendez-vous pour continuer à approvisionner notre pays en énergie propre à un prix compétitif et stable. Nous sommes convaincus qu’avec le contexte géopolitique que l’on connaît, la production d’énergie doit rester locale. Nous sommes une société 100% belge et nous sommes leaders du marché. Cette position fait que nous sommes pas mal courtisés pour la Zone Princesse Elisabeth.
Pour le futur, vous plaidez pour un mécanisme 2-sided CFD, pourquoi ?
Le principe est que le soumissionnaire offre un prix fixe sur une durée de 15 à 20 ans. Si les prix du marché sont supérieurs à ce prix fixe, le soumissionnaire rembourse la différence à l’Etat. Celui-ci peut par exemple l’utiliser pour réduire la pression sur la facture énergétique du citoyen et des entreprises. Et à l’inverse, si les prix du marché sont plus bas, l’Etat compense la différence. Le 2-sided CFD permet ainsi une stabilisation des prix et une protection des consommateurs, tout en pérennisant l’investissement. C’est vraiment un mécanisme win-win, où producteurs et consommateurs sont protégés des soubresauts du marché et des aléas géopolitiques qui l’influencent.
La Belgique est-elle assez ambitieuse en matière de développement offshore ?
Oui et non ! L’ambition du gouvernement est de tripler la capacité, mais la mise en place d’un projet éolien en mer peut prendre dix ans. Ce n’est cependant pas la phase de construction qui prend du temps. Celle-ci peut être bouclée en 1,5 à 2 ans ! Ce n’est pas non plus le financement car les technologies ont fortement évolué et ont atteint un stade de maturité reconnu par les banques. Là où ça coince, c’est toute la phase de préparation, en l’occurrence l’obtention des permis et le renforcement du réseau terrestre pour le raccordement des parcs éoliens. Tout pourrait aller plus vite…
Que manque-t-il encore ?
Selon moi il manque aussi une vision stratégique et sociétale à un horizon de 20 à 50 ans. C’est essentiel car la crise a montré l’importance d’être relativement autonome au niveau de l’approvisionnement énergétique, sous peine d’un appauvrissement de la société belge au profit de producteurs étrangers, d’hydrocarbures notamment. Or l’éolien offshore peut vraiment y contribuer. Allons-y !
Comment la Wallonie pourrait-elle accroître les retombées liées au développement de l’éolien offshore ?
J’aimerais susciter davantage encore d’engouement auprès des sociétés wallonnes par rapport à ce secteur. La SOCOFE et la SRIW ENVIRONNEMENT sont des partenaires de la première heure d’OTARY, mais je pense que la Wallonie peut, grâce à son héritage et savoir-faire industriel, encore monter en puissance dans la chaîne d’approvisionnement. Il faut savoir que les installations offshore sont essentiellement faites d’acier, le cœur de métier de la Wallonie pendant longtemps. Il y a aussi tout ce qui est électronique de puissance, câblage électrique…
Un projet d’infrastructure offshore est quelque chose d’énorme…
Oui, et quand on voit les ambitions européennes en la matière, on comprend que les opportunités à saisir sont encore très importantes ! Nous opérons toutefois dans une industrie très compétitive. L’innovation et la maîtrise des coûts sont donc deux éléments-clés pour percer dans ce secteur.
Votre conclusion face aux perspectives de croissance inouïes ?
Dans le passé, la Belgique n’a pas pleinement exploité le potentiel des retombées économiques locales en stimulant le développement d’une chaîne d’approvisionnement locale, à l’inverse d’autres pays européens qui l’encouragent au travers des critères des appels d’offre… Mais il n’est pas trop tard ! L’industrie éolienne offshore continue d’évoluer et d’innover. Le marché sera amené à décupler d’ici 2050. La Wallonie peut donc certainement accrocher son wagon au train !